FRANCE-MUSHING
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LES INTERVIEWS DE FRANCE-MUSHING

Dans ces interviews, les mushers/éleveurs ou autres seront toujours libres de leurs propos .

 

 

-Rachel Carrara et Carlos Franch

-Catherine Mathis

-Annick et Patrick Evrard

-Daniel Julliaguet 

-Didier et sa Yukon Quest

-Max VIDAL pour le Chpt IFSS 2009 à Daaquam

 

-Thibaut BRANQUART de Grand Nord Films

-Isabelle Travadon

-Didier et sa Yukon Quest

-Alain Barreau aux Chpt du monde FISTC

-Anne Moulet à Reisenbach (D) pour une course hors neige

-Le Pyrénnées Sleddog tour 2006

 

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Rachel Carrara et Carlos Franch.

Nul n'est plus besoin de les présenter, ils sont l'un des couple du circuit hivernale en open, ils sont tous les deux champions de France en 8 chiens, Rachel aux Fourgs en 2004, et Carlos en 2005 à Orcières.Très souvent sur les podiums, que ce soit en sprint ou mid, mais leur terrain de prédilection reste la mid . Rachel et Carlos, se sont prêtés de bonne grâce et avec la gentillesse qu'on leur connait, au jeu des interview de France-Mushing. Comme à chaque fois, avec eux, pas de langue de bois, les réponses sont claires directes et précises.

 



Carlos sur l'Alpentrail 2005, il finira 2ème


Rachel à la course de Larche, même en 8 open il faut pédaler !!

 

Rachel, Carlos, qui êtes vous ?

C : J'ai 28 ans, je suis maçon en interim. J'arrête de travailler de décembre à mars pour me consacrer entièrement à mes chiens.

R : J'ai 32 ans, je suis responsable administrative dans un Office de tourisme

Nous nous sommes rencontrés il y a 6 ans et vivons maintenant dans les Pyrénées ariégeoises, région encore sauvage, idéale pour élever nos chiens.

Comment l'un et l'autre êtes vous arrivés dans le monde du mushing ?

C : Mon père a initié ce sport en Espagne et dès l'âge de 12 ans j'ai commencé à courir avec ses sibériens huskies. A l'âge de 15 ans, j'ai participé à ma 1 ère Pirena et en 1998 j'ai rencontré Tim White qui était venu en démonstration avec ses alaskans sur la Pirena. Je suis alors parti avec lui 6 mois au Minessota, et c'est là que j'ai décidé de courir avec des alaskans. En janvier 2000, j'ai fait une première saillie avec l'étalon de Elizabeth Edland (championne d'Europe moyenne distance) et en décembre 2000, nous sommes partis chez elle avec Rachel en tant que handler pendant 3 mois. Ce fut une autre étape très importante pour nous. Nous avons appris énormément de choses sur les alaskans/chasse et avons ramené 3 chiens achetés à Hillestadt et Boysen qui furent la base de notre nouveau chenil.

R : Moi, je n'avais jamais vu de près un traîneau avant de rencontrer Carlos il y 6 ans. Comme il l'a dit, en 2000 nous sommes partis en Norvège, et c'est là-bas que j'ai vraiment appris à faire du traîneau et à entraîner les chiens. C'est aussi à ce moment là que, poussée par Elizabeth Edland, j'ai décidé de monter ma propre équipe.

A ce propos, vous êtes tous les deux mushers et vous courez dans la même catégorie. Cela ne crée-t-il pas une compétition entre vous deux ?

R : J'avoue qu'au début, c'est moi qui le prenait un peu comme une compétition, dans le sens où j'arrivais dans le mushing alors que Carlos courait déjà depuis plusieurs années. J'ai ressenti le besoin d'être indépendante et reconnue en tant que musher à part entière et pas seulement «  la copine de Carlos » qui courre avec « les chiens de Carlos ». J'ai acheté mes propres chiens et encore maintenant, chacun a ses chiens, même si nous essayons d'avoir une gestion intelligente du chenil en fonction des courses et des enjeux.

Je ne le prends plus comme cela maintenant, d'autant plus que je suis lucide sur le fait que c'est grâce à Carlos et à son expérience que je peux avoir aujourd'hui une bonne équipe.

Maintenant je le vois plus comme une coopération, chacun ayant un rôle à jouer. Nous nous répartissons les équipes en fonction des courses. Sur l'Alpentrail, par exemple, c'est Carlos qui prendra les meilleurs chiens car il est plus expérimenté en moyenne distance et c'est une course très physique. En sprint, chacun reprendra ses chiens, ceux avec qui on a le plus d'affinités.

C : De toute façon, on entraîne les chiens ensemble. On les habitue à changer d'équipe et de place dans l'attelage. Evidemment des affinités se créent, moi j'aime les chiens espiègles, un peu fous, alors que Rachel préfère les chiens plus doux. Comme ça pas de problème !


Rachel : préparation des gamelles

Super Lilou en tête .

 

Votre chenil se compose de combien de chiens ? comment les sélectionnez-vous ?

Après avoir eu plus de 30 chiens, nous avons décidé de réduire notre chenil et nous avons aujourd'hui 16 chiens adultes et 4 chiots. Nous voudrions encore réduire le chenil à environ 14 chiens adultes et 2 chiots par an.

Nous sélectionnons les chiens pour leur mental avant tout et leurs capacités à l'attelage évidemment. Ils doivent être généreux, avoir un bon caractère et ne pas être peureux. Le gabarit ou le pourcentage alaskan/chasse vient au second plan. L'expérience nous a montré qu'il ne faut pas toujours se fier aux apparences !!

Maintenant la sélection devient de plus en plus difficile car avec si peu de chiens, ils ont tous un très bon niveau.

Nous faisons également des portées presque chaque année en gardant de 2 à 4 chiots, ce qui nous permet de renouveler petit à petit et éviter le vieillissement du chenil.

Pour les vieux chiens nous avons la chance d'avoir le père de Carlos qui a un petit chenil en Espagne où il prend nos retraités en pension.

Dans la gestion de vos chiens, quel aspect essayez vous de privilégier ?

Comme nous l'avons dit, nous revenons à un chenil plus petit. Maintenant que nous sommes arrivés à une équipe homogène qui fonctionne bien, nous nous concentrons sur l'éducation de nos chiens, avoir des rapports plus proches avec eux. Nous voulons développer un vrai esprit d'équipe et avoir le plus de fun possible tous ensemble.

Quel type de mushing pratiquez vous et pourquoi  ?

C : On peut dire que nous sommes polyvalents. Bien que notre préférence aille à la moyenne distance. Nous aimons l'esprit de la moyenne distance.

Le rapport avec les chiens d'abord. Contrairement au sprint, ce n'est pas aussi stressant, pour les chiens et pour le musher. Tout ne se joue pas au détail près. En général, les résultats reflètent le travail de toute une saison. On a beaucoup plus le temps d'apprécier le moment présent avec ses chiens.

R : Pour moi, en sprint, on n'a pas le temps de prendre réellement du plaisir. Il faut être à fond tout le temps, et finalement le plaisir qu'on en retire c'est le résultat en lui-même d'où cet esprit hyper compétitif.

C : En moyenne distance, la compétition est là bien sûr, mais il n'y a pas de rivalité. Le côté stratégique aussi est très intéressant. On a en général un pool de chiens à gérer en fonction de la distance à faire et des étapes à venir.

Et puis, sur les courses de plusieurs jours comme l'Alpentrail, on vit tous ensemble pendant une semaine, des liens se créent. On a le temps de discuter, d'échanger, et de faire la fête aussi !

Ce choix de la moyenne distance, nous permet de faire aussi quelques courses de sprint, notamment en 8 chiens ou en illimité, où les distances sont plus en rapport avec notre pratique. Mais ce n'est pas notre priorité et nous choisirons les sites qui nous plaisent vraiment.

 



Lilou, leader et reproductrice 

Lilou vient de chez Heini Winter

      
  
      

 

 

Un fait marquant, bon ou mauvais souvenir, une anecdote de votre « carrière » de musher ?

C : Il y a tellement de choses. Fait marquant : mon départ au Minessota avec Tim White. Le meilleur souvenir : il est assez récent, c'est l'Alpentrail 2005, et ceci à double titre. D'abord j'ai passé un moment super, les circuits sont magnifiques, la neige de très bonne qualité et je me suis fait de vrais amis qui en plus m'ont appris énormément. Et puis, un résultat que je n'attendais pas avec ma très jeune équipe de chiens. J'avoue que j'en suis fière, j'ai beaucoup travaillé avec eux, ils ont été supers.

R : Comme Carlos, mon meilleur souvenir sera l'Alpentrail 2005. Nous avons rencontré des gens supers. La compétition est très intéressante, le niveau élevé, mais jamais il n'y a eu d'esprit de rivalité. Tout le monde s'est réjoui pour Carlos et chacun essayera de faire mieux sur la prochaine édition. C'est une course dont vous partez la larme à l'œil, pressé de revenir l'année suivante.

Mes meilleurs moments sur le traîneau, je les passe en général dans le Vercors, à l'entraînement, relax.

Votre programme de courses et vos objectifs pour la saison 2005/2006 ? et ensuite les projets à plus long terme ?

C : Cette saison la priorité sera l'Alpentrail. En décembre nous partons entraîner deux semaines en Italie et si tout se passe bien, nous présenterons deux équipes de 8 chiens à l'Alpentrail. Je prendrai l'équipe la plus performante, en laissant tout de même deux bons leaders à Rachel qui prendra la « segonde » équipe bien qu'il n'y ait pas énormément de différence.

Ensuite, nous ne sommes pas trop décidés sur ce que nous allons faire. Il y a le championnat d'Europe sprint en Italie, bien sûr. Cela fait maintenant 3 ans que nous ne l'avons pas couru et nous avons très envie d'y aller pour voir le niveau de nos attelages à l'international. Nous avons maintenant deux attelages de 8 chiens, tous adultes (2 ans 1/2 minimum),bien entraînés pour les distances des 8 chiens et qui pourraient, je pense, faire un joli résultat. Mais nous n'irons que si nous pouvons courir tous les deux.

Et enfin le championnat de France. Nous sommes très contents que ce soit le site des Fourgs qui ait été retenu. Nous espérons seulement que cette année, les distances en 8 chiens seront respectées et que nos chiens pourront exprimer toutes leurs possibilités.

R : A plus long terme, il y a tellement de choses qui nous tiennent à cœur !

Nous avons très envie de faire la Vindelavsdräget, une course de relais par équipe en Suède que nous a conseillé Heini Winter.

Et peut-être essayer l'Alpirace, pourquoi pas ? Ou alors une saison en Suède, chez notre ami Detlef Herche. Bref beaucoup d'envie, mais rien de décidé à ce jour. Et puis il y a évidemment le côté financier qui nous limite pas mal.

C: Notre rêve serait évidemment de participer un jour à la Open North American Championship ! Et nous ferons tout pour qu'un jour ce soit possible …

Quelle vision avez vous du monde du mushing français et au-delà européen ? comment voyez vous l'avenir de notre sport ?

R : Suite à la saison dernière, notre vision du monde du mushing français n'est pas très positive. J'avoue que j'ai passé la pire saison de ma vie et j'ai eu beaucoup de regrets, notamment d'avoir perdu du temps en discussions futiles et m'être pris au jeu d'une rivalité malsaine, alors que j'aurais pu passer plus de temps avec mes chiens et mon fiancé. Quand la saison a été terminée, il m'est resté un goût amer de tout cela et de la tristesse de ne pas avoir profité réellement de ma saison avec mes chiens.

Au risque de faire grincer des dents, je trouve que les mushers français ne sont pas assez ouverts sur l'extérieur, qu'ils ne s'intéressent pas réellement aux autres, mais de façon positive, en posant des questions, en essayant de s'informer.

C : Par exemple, on s'intéresse beaucoup aux résultats des courses à l'étranger. Qui participe, les classements, les temps qui séparent les concurrents. On essaye d'analyser tout cela, de comparer. En vérité, savoir qui est le premier français, je m'en fous totalement. Moi ce qui m'intéresse c'est, qui sont les premiers de chaque catégorie, leur temps, leur vitesse moyenne, avec combien de chiens ils couraient. Et ça sur plusieurs années. Je m'intéresse aussi bien aux résultats du sprint qu'à ceux de la moyenne distance ou même de la longue distance où la résistance des chiens et des mushers m'a toujours beaucoup impressionnée.

Comme le dit Isabelle Travadon dans l'interview que vous avez réalisé, en Europe les heures de gloire du mushing semblent passées, notamment avec l'arrêt de l'Alpirod et la désaffection des médias et sponsors. Cependant nous ne perdons pas espoir avec encore de belles courses à étape comme l'Alpirace, l'Alpentrail et peut-être l'Alpirush l'année prochaine.

En ce qui concerne les pratiquants, évidemment c'est un sport très coûteux, il est très difficile de s'installer avec une meute car on est en général pas les bienvenues, et les pistes d'entraînements se font rares.

De plus, les nouveaux pratiquants, au lieu d'être soutenus, sont souvent découragés par l'esprit trop compétitif qu'ils rencontrent sur les circuits et des conseils trop techniques (et souvent coûteux) qui ne sont pas du tout en rapport avec ce qu'il ont envie de faire (peut-être se faire plaisir tout simplement !).

Nous espérons que dans l'avenir, les pratiquants de moyenne distance seront de plus en plus nombreux comme c'est le cas en Allemagne. Le coût de ce sport, des déplacements par exemple, incite les mushers à privilégier la qualité d'une course à étape, et le plaisir d'être un long moment sur les pistes avec ses chiens.

La moyenne distance est une pratique du sport de traîneau à chien fantastique, où l'on se fait plaisir quelque soit son niveau. De plus, elle est tout à fait praticable en Europe et presque tous les chiens sont capables de le faire, il suffit d'aller à leur rythme en fonction de leurs capacités et de leur entraînement.

Et de ne pas oublier le principal, le PLAISIR !

Propos recueillis par Eric Fiévet.


Ils sont tous à l'écoute !

Promenade autour du chenil en été.

 

Merci à vous deux et bonne chance pour cette nouvelle saison.

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ISABELLE TRAVADON,
musheur et éleveuse de siberians huskies depuis de nombreuses années. Isabelle court en grande catégorie, jamais moins de 8 chiens .

 

Quelques questions à Isabelle Travadon .

 

L'éleveuse .

: Tu as commencé avec quel type de chiens, et ensuite comment en es-tu arrivé au type de chiens qui est le tien ?

R : J'ai commencé en 1985 avec des chiens de lignée alka-shan, anadyr et Atim's. J'avais acheté chez Gerdi Stern, en suisse, mon étalon « Atim's Tyee » qui venait d'un musher réputé au canada : Terry Quesnel . Ce chien exceptionnel tant par son caractère que sa conformation fut le pilier de mon élevage pendant une dizaine d'année. C'est sur l'Alpirod que j'ai découvert les chiens des finlandais Reijo Jaskalainen, joni Eloma ou Anu Jakunsaari. Grâce à notre amitié, j'ai eu l'opportunité d'acquérir chez eux d'excellents chiens, possédant les meilleurs gènes de leurs élevages et c'est en 1995 que je me suis réorientée vers les lignées polar speed, et lokiboden, qui étaient plus rapides. J'ai cependant toujours gardé de l'anadyr, qui, pour la longue distance, sont des chiens plus durs et plus rustiques.

Q : Tu as combien de chiens dans ton chenil ?

R : J'ai actuellement 23 chiens au chenil, avec les retraités et les jeunes.

: Quelles lignées utilises-tu ? Et pourquoi ?

R : J'utilise actuellement les lignées polar speed , qui sont des chiens rapides, avec une fibre musculaire sèche, un bon cœur et qui sont proches et à l'écoute. Par contre, en longue distance, ils brûlent beaucoup d'énergie et on a parfois du mal à les nourrir suffisamment. Ils sont également assez fragiles des articulations, notamment des poignets et des épaules. C'est pourquoi j'utilise toujours mes lignées anadyr, plus solides et qui dévorent toujours leur gamelle même après des efforts physiques très intenses !

: Sur quels critères te bases-tu pour tes saillies ?

Pour mes saillies, je recherche toujours la complémentarité, tant sur la morphologie, les aptitudes au travail que pour le caractère. Pas question de mettre les deux plus rapides ensembles si ils sont dominants tous les deux ou si ils sont très grands ! Je m'attache toujours à rester dans le standard car il est très facile de produire des chiens morphologiquement plus rapides mais qui n'ont plus rien d'un husky ! je suis très attentive aux grand-parents car c'est souvent leurs gènes qui ressortent le plus sur les portées.

: Comment décides-tu les chiens que tu vas garder sur une portée ?

Quand je décide de garder des chiots, je ne me base pas sur la morphologie car, à deux mois, ça ne veut rien dire ! en fait, il faudrait les garder jusqu'à 6-8 mois. Je me base sur leur caractère ; et j'aime garder des chiens très proches de moi. Ensuite, je les emmène courir avec leur mère vers l'âge de 7 semaines, le long de ma route : je vois déjà ceux qui aiment être devant, ceux qui sont à la traîne, ceux qui se « tirent la bourre », ceux qui « cueillent les pâquerettes » et reniflent partout,ceux qui sont intrinsèquement plus rapides… cela me permet de me faire une petite idée !

 

 

Le musher .

Q : Isabelle, peux-tu nous dire comment ton aventure avec les siberians et les courses a commencé ? Te souviens tu de ta première course ? (neige bien sûr)

R : J'étais depuis toujours passionnée par la montagne, le sport et les chiens de traîneau . J'ai acheté mon premier husky en 1985, et j'ai commencé comme tout le monde à le faire travailler avec mon vélo ! Happée par le virus, J'ai récupéré plusieurs adultes assez rapidement et j'ai fais ma première course en janvier 1986 aux Contamines Montjoie . Je n'étais jamais montée sur un traîneau auparavant et j'avais demandé à Monique Béné si cette course était facile ! Elle m'avait répondu qu'il n'y avait pas de problème ! Quelques minutes avant le début de la manche, j'avais demandé à un musher sympa comment il fallait faire pour tourner dans les virages… Sûre de moi puisque j'étais quand même bonne skieuse, je m'aligne sur le départ avec 6 chiens ! 500 mètres après le départ, un virage à angle droit avec un matelas fixé sur l'arbre devant moi : je m'éclate bien évidemment sur le dit matelas et perd mon attelage ! je cours 3 kms paniquée, mes chiens étant dans la nature et j'arrive à un point de contrôle où quelqu'un les avait arrêté. je ne suis pas remontée sur le traîneau longtemps ; j'ai fait la quasi-totalité de la course à plat ventre dans la neige (il n'y avait que des virages et des descentes raides…) mais je ne l'ai pas relâché ! sur la ligne d'arrivée, complètement meurtrie, j'ai eu droit à ma première interview car la télé locale avait filmé ma descente à plat ventre sur la piste rouge, j'étais un bonhomme de neige ; depuis ce jour, je suis toujours attachée sur mon traîneau en course !! pour la deuxième manche j'étais attachée mais ma technique n'était pas meilleure et j'arrachais mon frein sur une pierre !! je terminais bien sûr dernière mais très contente d'être entière!

Q : As-tu un chien qui a marqué ou marque encore ton attelage ?

R : Mon chien de tête Eskiff de Blau Fontein ( babouchka de blau fontein X Atim's Tyee) a été un leader exceptionnel ! il avait un caractère très réservé, voire timide mais une fois sur la piste, il pouvait rentrer au plein galop dans une foule de spectateurs pour se frayer un chemin ! Sur l'alpirod, il avait compris que les panneaux croisés sur le côté indiquaient la direction à prendre et plus d'une fois, dans le brouillard, il prenait la bonne direction sans que je lui dise quoi que ce soit car je ne voyais rien !

Ce n'était bien sûr pas l'odeur des chiens qui l'attirait dans la bonne direction car à chaque fois, j'ouvrais la piste et il n'y avait ni trace ni odeur ! il était très proche de moi et me suivait partout sans laisse . Il était aussi le chef incontesté de la meute ; il avait une telle personnalité qu'il suffisait qu'il regarde un mâle pour que celui-ci se couche, soumis ! il ne se battait pratiquement jamais !A la fin de sa vie, il vivait en liberté autours de la maison, en dehors de la meute mais il n'aimait pas tellement rentrer à l'intérieur ; c'était son côté « sauvage » .Un matin , il voulut rentrer et se coucha près de moi dans la maison : une heure plus tard, il était mort… Ma chienne de tête actuelle Misty (Ellie X Polar Speed Banzai ) est d'une intelligence et d'une volonté hors du commun : Depuis des années, c'est toujours elle qui emmène l'attelage dans les conditions les plus difficiles et qui ouvre les pistes dans la neige profonde; je la mets seule devant car aucun autre chien ne veut y aller et je la vois, tel un dauphin, onduler dans la poudreuse !! Nous avons une confiance totale l'une envers l'autre et quand elle n'y arrive plus,elle me regarde et c'est moi qui ouvre la piste avec de la neige jusqu'aux cuisses ! On se relaye ainsi pendant des heures ! Elle est aussi très rapide et a horreur d'avoir un attelage devant elle ; il faut qu'elle le rattrape ! Elle va avoir 10 ans cette année mais elle n'a rien perdu de son enthousiasme !

Q : Quel est ton meilleur souvenir de course ? ou tes meilleurs ?

R : Mon premier Alpirod est un de mes meilleurs souvenirs car je participais pour la première fois à une grande course et je côtoyais les meilleurs mushers mondiaux ;l'ambiance y était conviviale et chaleureuse. J'y ai beaucoup appris sur le sport , sur mes chiens et sur moi-même ! j'étais très fière que Rick Swenson ( 11 podiums sur l'Iditarod dont 5 victoires) me dise qu'il était admiratif de ce je faisais avec des sibériens car il pensait que c'était beaucoup plus simple et facile de courir avec des alaskans ! Je garde un excellent souvenir de la grande odyssée 2005 car mes chiens m'ont vraiment épatés par leur courage et leur volonté alors qu'ils ne sont plus tout jeunes et que les pistes étaient vraiment dures et physiques ! Mon meilleur souvenir est sans aucun doute l'étape du soir Avoriaz- Abondance : la piste était dure et rapide, ma chienne Misty était grisée par ces bonnes conditions ; au bout de deux heures, Jessie Royer et Grant Beck m'ont rattrapée ; je suis restée pendant 1 heure et quart juste derrière Jessie ; elle n'a jamais pu me larguer ; par contre, nous avons distancé Grant Beck ! Misty a emmené au plein galop tout l'attelage jusqu'à l'arrivée ! j'étais si fière de mes chiens que j'en pleurais 

Q : Te considères-tu comme « accro » à ce sport ?

R : Oui, je pense être accro à ce sport et accro à la compétition ! j'aime cette communion entre moi et mon attelage dans l'effort et le dépassement de soi !

Q : Tu es connue pour entraîner souvent dans des conditions pas toujours faciles, de nuit, en montagne etc .. aurais-tu une anecdote drôle ou plus flippante à nous raconter ?

R : Je pourrais écrire un livre sur toutes les galères qui me sont arrivées à l'entraînement… !! Comme la ligne d'attache qui cède au départ, 8 chiens qui partent à fond, j'attelle les 8 autres pour les retrouver finalement au sommet du col de Véry et je redescends avec 16 chiens et deux traîneaux attachés l'un à l'autre… quand je suis au dessus des saisies, à 2000m et qu'il fait mauvais, les conditions peuvent devenir vite extrêmes ! l'an dernier, j'avais ouvert une piste sur un plateau pour faire une grande boucle, mais dessous , il y a une barre rocheuse, et juste avant ce plateau, il y a une grande paroi avec de forts risques d'avalanche en cas de grosses chutes de neige : le mauvais temps s'était levé au début de l'entraînement mais je me suis dit que j'avais le temps de faire mon tour (25 kms). Arrivée sur le plateau, le vent redoublait ainsi que la neige ; je ne voyais rien et mes traces de la veille étaient balayées : le temps étant très froid , le dôme était gelé et mes chiens ont commencé à descendre à fond alors que mon chemin me semblait être plus tangentielle ! je ne pouvais pas les freiner et je savais que plus bas, il y avait cette barre rocheuse mais je voyais à peine mes wheels dans la tempête ! j'ai finalement réussi à planter l'ancre dans la glace mais ne savais plus du tout où je pouvais être ; il y avait ce risque d'avalanche qui s'accentuait avec la tempête !! et je devais être dans sa trajectoire… la situation devenait stressante mais il ne fallait pas perdre son sang froid ! Je décidais de retourner sur mes pas : hélas la tempête effaçait les traces au fur et à mesure ; si je laissais les chiens faire, ils m'auraient à coup sûr ramenée vers les saisies mais entre nous et les saisies, il y avait cette barre rocheuse et une fois lancés dans la descente et le brouillard, les chiens ne verraient le ravin qu'au dernier moment et ne pourraient pas s'arrêter ! La nuit était en train de tomber. j'ai pris mes leaders à la main et je suis remontée à pied toute la pente, pendant 1 heure, jusqu'au col où j'avais quitté le chemin balisé puis je suis rentrée le long de cette paroi avalancheuse en espérant que rien ne descendrait… les chiens étaient très calmes et silencieux ; ils me suivaient sans broncher dans le sens inverse du retour : ils avaient ressenti mon stress et me faisaient confiance.

Q : Tu habites en montagne , est-ce plus facile pour entraîner ?

R : Nous sommes venus nous installer à la montagne en 1996 pour les chiens mais je me suis finalement rendue compte qu'il y avait beaucoup d'inconvénients à s'entraîner en altitude. Tout d'abord, c'est éprouvant et usant tant pour le maître que pour les chiens de courir tous les jours sur des chemins et des pistes raides et accidentées. Au fil des années, nous avons accumulés de nombreux « bobos » dos et épaules pour le maître, poignets, épaules et dos pour les chiens ; Ensuite, il y a chaque année une période délicate où les chemins sont complètement gelés et impraticables avec le quad mais où il n'y a pas encore assez de neige, même à 1800-2000 m pour sortir le traîneau et je suis en repos forcé ! Enfin, dès le mois de décembre, je suis obligée d'entraîner que de nuit. Les pistes sont dures, rapides, et il fait froid : les chiens prennent beaucoup de fourrure et se font « trop » plaisir à l'entraînement : lorsque je me retrouve sur une compétition où la neige est lourde et qu'il fait chaud ; ils font « la gueule » !!

Q : Comment vivent tes chiens, en chenil , à la chaîne, tu as des rapports

particuliers avec eux, j'ai pu remarquer que tu pouvais les lâcher sans problèmes, tu peux nous en expliquer la raison, car tu as des sibs et ils sont réputés pour être fugueurs .

R : Mes chiens vivent en meute, tous ensemble dans un grand parc mais je les attache pour manger le soir et dormir ; Je n'accepte pas de bruit sauf quand je les attelle. Si je commence à les nourrir et qu'ils font un peu de bruit, notamment les jeunes, je pose mon seau et je m'en vais en leur disant que je reviendrai quand ils seront calmes ! ils me regardent, se couchent et on peut entendre les mouches voler !! Je suis très proche de mes chiens, je ne les prête jamais à d'autre mushers, je ne laisse pas des étrangers les entraîner et nous ne sommes jamais stressés ou énervés en compétition. Je leur fais confiance, je joue beaucoup avec eux, mais il y a en même temps une discipline stricte. Je les lâche très jeunes, avec mes vieux chiens, pour jouer ou se promener avec moi ; je ne les laisse pas traîner ; nous sommes toujours en « contact » ! 

Q : Quels sont tes projets pour cette saison ?

R : Mes projets pour la saison 2006 sont hélas largement perturbés pour des raisons de santé ; devant subir deux interventions chirurgicales, je suis obligée d'annuler mon inscription à la grande odyssée  et mon projet de refaire la finmarkslopet au printemps. J'espère malgré tout faire quelques courses sprint et MD en France et en Suisse si tout va bien et je repars sur la longue distance dès 2007 !!

 

Quelques questions plus globales :

Comment perçois-tu le mushing en France ?

Selon toi, de quoi notre sport aurait besoin pour être vraiment médiatiatique ?

Notre sport connaît depuis quelques temps, une certaine désaffection, pourquoi, selon toi ?

Je pense que le mushing a eu ses heures de gloire il y a une dizaine d'année avec l'Alpirod ; le sport était alors en plein essor mais les perpétuelles querelles de fédérations ont découragé les sponsors, les médias, les stations et les mushers eux même. Les deux fédés n'ont cessé de créer des nouvelles catégories et des nouveaux titres, pour attirer plus de participants ! les licenciés n'ont pas pour autant augmenté et il y a bientôt autant de podiums que de concurrents ! les médias se perdent dans les méandres des innombrables catégories et nous ne sommes pas du tout crédibles à leurs yeux ; je pense que c'est principalement pour cette raison que nous n'intéressons qu'à travers quelques belles images, et que l'on parle de nous toujours dans les rubriques «  découverte «  ou « aventure » mais jamais dans les rubriques « sport » …

Si notre sport connaît une certaine désaffection, c'est à mon sens pour plusieurs raisons : il y a de plus en plus de monde partout et il est de plus en plus compliqué de vivre avec une meute et de s'entraîner ; tout devient interdit ; les pistes, les forêts… c'est un sport qui revient très cher, et les aides ou les sponsors sont maintenant rares; enfin, l'agressivité et le manque de tolérance qui règnent entre les fédés, les dirigeants ou simplement les pratiquants en décourage plus d'un ! Je ne suis guère optimiste sur l'avenir de notre sport en France . Peut être que la Grande Odyssée, si elle obtient la notoriété, la compétitivité et la médiatisation de l'alpirod en son temps, redonnera la crédibilité et l'image sportive dont à besoin le mushing

Merci Isabelle de nous avoir accordé de ton temps, nous souhaitons que tes interventions chirurgicales se passent le mieux du monde, et que tu nous reviennes en pleine forme . Bonne chance .

 

Propos recueillies par Catherine Mathis

 

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